10 fausses croyances sur l’arthrose
Publié le : 2020-11-13
par Mathieu Côté, physiothérapeute
L’arthrose, ou l’ostéoarthrite pour ceux qui veulent encore plus se mêler, est une atteinte dégénérative des articulations qui provoque une dégradation du cartilage.
Un passage obligé pour tous, dit-on?
Malgré toute l’information véhiculée, l'arthrose demeure trop souvent l’incomprise, la mal-aimée, la source de frustrations. Voici donc 10 mythes que nous devons absolument déboulonner afin de tous mieux vivre avec l'arthrose!
1. “L’arthrose, ça ne me concerne pas, c’est une maladie de vieux qui survient tardivement”
L’usure de nos articulations commence au début de l’âge adulte, mais les premiers symptômes surviennent habituellement à partir de la quarantaine. Contrairement à la croyance populaire, elle peut apparaître plus tôt (même dans la vingtaine!) chez certaines personnes prédisposées (selon le bagage génétique, le métier exercé, …), dans des articulations plus sollicitées ou vulnérables.
Parlant de vieux, notons que l’on peut vivre bien longtemps en cohabitant avec l'arthrose: elle impacte négativement notre qualité de vie, mais ne diminue pas pour autant notre espérance de vie.
2. “Je ne peux rien y changer, tout le monde en a ou en aura”
En effet, ce phénomène d’usure touchera tôt ou tard une très grande partie de la population. Personne n’est à l’abri d’en souffrir et d’en subir éventuellement les effets néfastes.
Bien que toutes les articulations puissent en être touchées, la colonne vertébrale, les hanches et les genoux sont parmi les plus populaires, car elles sont porteuses de notre poids corporel. Les petites articulations des mains sont des sites très fréquents, mais les mains sont souvent moins symptomatiques comparativement aux articulations portantes.
L’âge, l’hérédité et le surpoids font partie des facteurs de risque prédisposant à la dégénérescence articulaire, ce sont des incontournables. Mais ce n’est pas parce qu’un de vos parents en souffre que vous avez forcément gagné à la loterie vous aussi!
Plusieurs autres causes plutôt biomécaniques peuvent être considérées. Vos habitudes de vie, vos comportements et vos choix d’activités contribueront à la prévention ou à la saine gestion de l’arthrose.
3. “Si j’ai de l’arthrose sévère, je suis condamné à souffrir pour le reste de mes jours”
Il n'existe pas nécessairement de corrélation entre le niveau de sévérité de l’arthrose et le niveau d’intensité ou de fréquence des douleurs. Autrement dit, certaines personnes ont de l’arthrose significative, sont peu ou non symptomatiques, et vivent sans le savoir. Alors que d’autres ont des signes précoces ou légers d’arthrose, mais souffrent avec des douleurs à 12 sur 10!
Le but ultime en conjuguant avec l’arthrose est de retrouver un était confortable et fonctionnel. Il est tout à fait réaliste de penser faire disparaître épisodiquement ou définitivement la douleur arthrosique une fois le diagnostic établi.
4. “L’arthrose est la seule cause de mes douleurs”
L’humain étant ce qu’il est, il se plaît à constamment chercher une raison rationnelle pour expliquer tout ce qu’il vit. L’arthrose est un diagnostic structurel. Elle est confirmée par une atteinte visible radiologiquement du système osseux et cartilagineux.
Par contre, le professionnel de la santé aguerri va poser un diagnostic clinique, basé sur le portrait global du patient. Il y a bien d’autres structures du corps humain qui peuvent engendrer des douleurs. Lorsque nous constatons de l’arthrose en imagerie, il faut assumer qu’elle est sans doute présente depuis un bon bout de temps. Ça ne pousse pas la nuit, ça ne survient pas ponctuellement, mais progressivement.
De plus, on fait bien souvent des découvertes fortuites en imagerie: un genou gauche usé alors que c’est le droit qui est souffrant… une arthrose vertébrale lombaire haute alors que c’est la région lombaire basse qui en arrache… une calcification qui n’était pas prévu selon l’examen clinique… On dit qu’une image vaut mille mots, mais les images, il faut les interpréter et les faire parler!
5. “Mes activités augmentent l’usure de mes articulations, donc je dois arrêter de bouger”
Bouger ou ne pas bouger, là est la question! Et la réponse en sera tout autant nuancée.
De façon générale, aussi bien pour le système musculosquelettique que pour le reste du corps (le coeur, les poumons et la tête par exemple), l’activité physique serait assurément plus bénéfique que nuisible pour les articulations.
Le cartilage se nourrit de stimulis bien gradés, de variations de pression et de mises en charge. La preuve est que les astronautes en apesanteur et les gens alités développent rapidement des problèmes osseux ou articulaires. Une penture que l'on désire garder lubrifiée, il faut la faire bouger!
Mais il y a un “mais”. Les articulations sont sensibles aux séquelles de traumatismes non résolus, aux surcharges, aux abus répétés ou soutenus, aux stress en torsion, aux mouvements exécutés dans des positions non ergonomiques et aux arrêts/départs brusques (stop and go).
Il faut alors adopter le principe de quantifier graduellement le stress mécanique induit dans nos articulations en respectant leur seuil respectif. Parmi les sports et loisirs de prédilection, qui nous aident à bien faire vieillir nos articulations, notons les plus populaires: la marche, le vélo, la natation, l’exerciseur elliptique et le ski de fond.
6. “L’arthrose est une dégénérescence, il suffit donc que je trouve une solution qui va régénérer mes articulations”
À ce jour selon la science, il n'existe pas de processus réversible pour enlever les dommages structurels d’arthrose. L’arthrose est un phénomène d’érosion. Le mieux que l’on puisse espérer quant à la qualité de notre squelette, c’est d’éviter la progression de l’usure, le côté évolutif de la dégradation du cartilage.
Bien que certaines idées de traitement régénérateur semblent novatrices et prometteuses, par exemple l’injection de cellules souches ou des techniques de greffe, aucune procédure n'a eu suffisamment de preuves scientifiques à l’appui pour le moment.
7. “J’ai besoin de demander un examen par résonance magnétique (IRM) pour enfin confirmer mon arthrose et sa sévérité”
Bon, quel sujet croustillant! Allons-y d’une dichotomie pour débuter. Dans la vie, il y a les gens qui aiment le diction: "je ne veux pas le savoir, je veux le voir!" et les autres qui sont plus du type: "ce qu’on ne sait pas ne fait pas mal!"
Voici une façon de voir les choses pour nous: L'arthrose est un diagnostic médical radiologique. Si nous avons à l'officialiser avec un test d’imagerie pour une quelconque raison, la radiographie demeurera toujours l’examen de premier choix. Avons-nous besoin de passer une radiographie pour toute articulation où nous suspectons de l’arthrose? Définitivement pas. L’allure du tableau clinique et le désir d’avoir des images comparables dans le temps sont parmi les motifs pouvant inciter à la prescription de radiographies.
Et maintenant, qu’en est-il de la fameuse résonance magnétique? À ce jour, l’IRM est le "gold standard", l’examen par excellence possédant la meilleure résolution et qualité d’images qui soit. Elle est utile pour le dépistage et le diagnostic de bien des lésions musculosquelettiques (pas juste des os, mais aussi des tissus mous). Il est par exemple rarement indiqué de passer une IRM pour un genou chez une personne de plus de 55 ans. L’examen sort positif en révélant assurément des lésions qui ne sont pas nécessairement en relation avec le motif de consultation.
En résumé, il est loin d’être obligatoire de passer une IRM pour documenter de l’arthrose. Au lieu de revendiquer d’emblée ce type d’examen, faites confiance à l’équipe médicale vous entourant quant à la pertinence de l’imagerie. L’histoire médicale que vous avez à raconter et l’examen physique demeurent bien souvent les meilleurs moyens pour établir l’origine de vos douleurs.
8. “J'ai de l’arthrose… de l’arthrite... ou de l’ostéoporose… je ne sais plus trop, peu importe, c’est pareil”
Comme d’autres termes du côté médical, par exemple les orthèses et les prothèses, il est trop facile de confondre certains mots en les mettant dans le même sac.
Pour être puriste, l’arthrose est une forme d’arthrite, mais gardons ça simple.
L’arthrite se distingue de l’arthrose en étant une maladie inflammatoire pouvant engendrer une réaction auto-immune, qui est dépistée non pas uniquement par l’imagerie médicale, mais aussi par l’histoire et certains marqueurs sanguins du patient. Sans faire de compétition, les arthritiques sont habituellement plus hypothéqués que les arthrosiques. Pour les amoureux de contenu déjà mâché et vulgarisé, sous forme de bande dessinée humoristique, allez jeter un oeil à celle du pharmachien.
L’ostéoporose, tant qu’à elle, est non douloureuse. Elle consiste à la déminéralisation et à la perte de la densité osseuse. Certains facteurs prédisposants sont clairement établis, par exemple l’hérédité, les femmes ménopausées et l'usage prolongé de la cortisone. Le plus grand risque à gérer chez les ostéoporotiques n'est pas face aux symptômes, mais plutôt le risque de fractures selon la sévérité de l'atteinte.
9. “Le froid et l’humidité déclenchent et influencent mes symptômes d’arthrose”
Alors là, je vous réfère à ce bel article où Dr Louis Bessette, rhumatologue au CHU, nous invite à reconsidérer les histoires de nos grand-mères. Contrairement à la croyance populaire, et même si on sait que les récepteurs dans nos articulations peuvent être sensibles aux variations de pression barométrique, il ne semble pas avoir suffisamment de preuves scientifiques qui supportent ce vieil adage!
10. “Ça ne vaut pas la peine de se faire traiter pour de l’arthrose, puisque je suis pris à vie avec ce problème”
C’est bien le contraire! Une saine gestion de l’arthrose passe d’abord par la reconnaissance du problème et par une prise en charge proactive.
Bien qu’il est vrai que les dommages structurels soient non réversibles, le but des approches thérapeutiques conservatrices (non-chirurgicales) est d’offrir à la clientèle des solutions permettant d’éduquer, de rassurer, de contrôler/éliminer les symptômes envahissants, de traiter les déficits secondaires et d’optimiser la qualité de vie.
Sauf en pleine crise inflammatoire, l’arthrose est un désordre mécanique, il faut une approche mécanique et active, basé sur la rééducation des muscles entourant l’articulation. Votre physiothérapeute est un joueur-clé pour vous accompagner dans la saine gestion de l’arthrose et dans le but de maximiser les résultats!